Vers une Ecoute Consciente au quotidien


Introduction

Cet article a un caractère historique. Il a été rédigé dans les tous débuts de la démarche d'Ecoute Consciente, après seulement une année de mise en oeuvre. Nous sommes donc encore dans une phase de création et pourtant, déjà, nous cherchons à comprendre, à formuler et à présenter cette nouvelle approche. L'article a paru dans le journal de la Mouvance Rogérienne et nous le reproduisons ici tel quel.

Nous assistons, en "ces premiers temps historiques", à la rencontre de deux individualités qui apprennent à se connaître et à travailler ensemble. L'une est prioritairement focalisée sur une approche corporelle, l'autre est prioritairement focalisée sur les processus psychologiques. Avec ces deux individualités, nous assistons à la rencontre entre deux démarches de conscience : l'Eutonie ou conscience du corps,
- Présensation de l'Eutonie : L'Eutonie -
et l'Approche Centrée sur la Personne, fondée par le psychologue Carl Rogers,
- Présensation de l'ACP : L'Approche Centrée sur la personne .

Depuis 2001, Ecoute Consciente a évolué et vous en trouvez une trace régulièrement mise à jour dans les échos de l'atelier mensuel.
- Suivez le lien : Echos de l'Atelier .

La dialectique entre les deux composantes, dynamiquement explorée dans une recherche toujours plus profondément expérientielle, a donné naissance à une troisème composante, dont les germes sont déjà dans cette première formulation, et que nous avons appalée "la dimension du Silence" ou "Intériorité".

Une démarche expérientielle dans une perspective holistique

L'atelier "Vers une Ecoute Consciente au Quotidien" a rassemblé, l'année dernière, un groupe de six à huit personnes, une journée par mois, de janvier à juin. C'était pour nous - et c'est encore - une expérience nouvelle, qui à la fois rassemble le meilleur de notre pratique d'accompagnement et à la fois s'ouvre à l'inconnu qui en émerge.

Après ce premier cycle, et avant le démarrage du nouveau cycle 2001-2002 (neuf journées cette fois), nous avons souhaité partager quelques éléments de cette expérience avec les lecteurs de Mouvance Rogérienne, en espérant, peut-être, susciter quelque écho.


Une synergie entre deux approches

La conduite de l'atelier repose sur l'alliance entre l'écoute spécifique de l'Approche Centrée sur la Personne et l'exploration de la conscience du corps à partir de la sensation réelle ou "directe", spécifique de l'Eutonie fondée par Gerda Alexander. Les deux démarches s'allient pour aller vers une approche globale de la personne :

Inviter au contact avec la sensation "directe" dans son corps, aide à quitter progressivement la pensée discursive du fonctionnement mental. L'état intérieur devient plus silencieux, plus calme, laissant émerger "l'expérience immédiate" du ressenti profond. Des mots, des images, des sons apparaissent dans la conscience et la personne peut choisir de les exprimer, ouvrant ainsi une porte sur son expérience intérieure.



Un rythme entre silence et parole : le climat

En pratiquant l'écoute de soi par les sensations corporelles, l'écoute des autres dans le "contact eutonique" et l'écoute des mots qui émergent, nous entrons dans un rythme. Une alternance entre silence et parole s'installe.

La parole prononcée est entendue dans sa densité et dans sa consistance ; elle se révèle dans le climat relationnel de sécurité et de liberté, comme la lumière qui devient visible lorsqu'elle pénètre dans l'atmosphère.

En même temps, cette parole participe à la coloration du climat et l'influence. En retour, ce climat vivant soutient la parole émise et assure, pour chaque participant, la reconnaissance basique qui aide à s'aventurer sur le chemin de son épanouissement.

Chacun expérimante alors l'opportunité de vivre une parole qui ne tombe pas dans le vide mais participa activement à un espace commun en créavion.

Ces quelques fragments d'exérience nous interpellent :

Que devient la parole quand elle émerge du corps ?

Que devient la parole quand elle émerge du silence ?


Un champ de recherche s'ouvre devant nous. Josette suggère une amorce de comprétension :

"En entendant divers thérapeutes parler de leurs pratiques, j'ai pris conscience avec davantage d'acuité, de la dimension de la parole dans l'Approche Centrée sur la Personne : le support de l'exploration et de la relation est la parole. Le travail d'écoute de l'autre dans les mots qu'il prononce, ressent ou recherche en tâtonnant, est pour moi un travail familier. Je m'y sens à l'aise. Si l'on devait parler d'outil, ce serait vraiment mon outil.
J'ai découvert cette année que la parole, vécue dans le mouvement d'accompagnement tel que je l'ai appris dans le climat de l'Approche Centrée sur la Personne, s'élargissait si elle venait d'un travail de conscience du corps ou d'un moment d'intériorisation silencieuse : les mots deviennent plus légers, en même temps, ils ont plus de poids. Ils entrent dans une dimension d'enseignement, c'est-à-dire que nous y découvrons des "parcelles de vérité" individuelles ou collectives, que nous ne connaissions pas encore."



Une démarche expérientielle

Science expérientielle :

Chercher, observer, regarder, ressentir, accueillir, accompagner ----
Oser traverser les images, représentations qui séparent de la vérité ---
Aller jusqu'à "ce qui est" ---
Et en repartir---
Comme on se sert de l'impulsion d'un tremplin.

Aller jusqu'à "ce qui est" ---
Tenter d'approcher l'insaisissable, l'expérience immédiate qui a un pouvoir de transformation
et d'ouverture vers plus vaste que nous-mêmes.


La démarche expérientielle est à la base de tout le travail : que la personne soit en situation de s'écouter elle-même, d'écouter l'autre ou d'écouter dans le groupe, qu'elle soit dans une situation d'exploration corporelle, psychologique ou spirituelle, elle est invitée à vivre l'expérience et à cheminer à partir de cette expérience.
Lorsque nous proposons aux participants d'entrer en contact avec leur corps et avec leur ressenti intérieur, ils se trouvent en présence de sensations, d'émotions, de pensées. Ils ressentent "qui ils sont" à cet instant précis. L'expérience immédiate pourrait se dire aussi : certitude de la sensation intérieure.
Entrer dans cette immédiateté - non pas celle de l'enfant qui réclame "tout, tout de suite" - c'est acquérir progressivement la capacité d'accueillir et d'accompagner sans jugement le contenu de la conscience, que ce soit une sensation, une émotion ou une pensée. On pourrait encore évoguer la capacité à être un "observateur conscient" de ce qui se vit dans l'instant.


L'expérimentation avec les autres

L'expérience se vit également en relation grâce à des situations / supports qui aident à concrétiser le mouvement de l'écoute. Deux exemples parmi d'autres :

  • Dans l'exercice du bambou (une baguette de bambou), il s'agit d'évoluer à deux, en silence, en tenant chacun un bout de la baguette par un doigt seulement. Ni jeu, ni danse, "l'exercice" est une invitation à explorer une position dans la relation : est-ce que je dirige ? Est-ce que je me laisse diriger ? Suis-je à l'écoute de moi-même ou de mon partenaire ? Comment nous rencontrons-nous ? Est-ce que le bambou, qui symbolise la relation, peut nous guider ? ----


  • Dans la marche aveugle , il s'agit toujours d'évoluer à deux. L'"aveugle" ferme les yeux, son partenaire le guide ou l'accompagne ? Quelle sécurité est donnée pour la marche ? Quelle liberté est laisée dans l'exploration de l'espace ? Comment sont vécus les cinq sens lorsque l'un d'entre eux est "en veilleuse" ?

Nous faisons l'hypothèse que ces situations / support et le travail de conscience du corps tel que le propose l'Eutonie, facilitent la comprétension et l'inégration du mouvement d'écoute.


Après l'expérience, la parole

Nous proposons ensuite un temps de parole dans la dynamique décrite plus haut (climat relationnnel). La formulation verbale extériorise une parcelle d'intériorité et favorise l'inégration à travers la symbolisation de l'expérience. L'expérience intérieure s'enrichit et se prolonge dans un mouvement d'élargissement de la conscience qui intègre les nouveaux éléments de connaissance.

La parole permet le passage de l'expérience à la conscience.

Le rythme "expérience/verbalisation" semble aussi constructif que le rythme "silence/parole", les deux fonctionnant en synergie.


Une perspective holistique en trois modes

Nous approchons le caractère holistique par trois voies :


S'accorder le temps

S'accorder le temps de se poser, s'accorder du temps pour que "cela" se pose, comme dans le processus de décantation : le liquide se clarifie et se purifie progressivement. Il en va de même pour l'intériorité. S'offrir ce temps est une discipline de vie, non une discipline extérieure, mais une écoute bienveillante de soi à soi.
S'accorder du temps c'est aussi accepter de découvrir un reflet de sa nature profonde. Cette perception est une invitation à continuer jusqu'à rencontrer une clarté et une transparence plus grande. Le processus est infini mais il se déroule dans l'espace-temps que nous connuaissons bien.


La verticalité

La deuxième voie est la conscience de sa "verticale", soit par la respiration, soit par la sensation de la colonne vertébrale dans sa consistance osseuse. Les deux conduisent à retrouver la réalité humaine située entre ciel et terre, traversée et irriguée par un flux et reflux continu. S'exercer à vivre dans cette disposition intérieure c'est assumer la fonction d'être un trait-d'union entre le "haut" et le "bas". Paradoxalement, c'est la verticalité qui assure l'unification de l'être. Elle nous remet dans l'axe de la vie.


Construire ensemble

La troisième voie est la dimension complémentaire de l'horizontalité, car l'être humain incarne ce croisement. Apprendre à construire ensemble, c'est s'élargir à l'horizontalité.
Nous allons illustrer ce vécu avec un exercice proposé à la fin du dernier cycle de l'atelier :

Un moment de recentrage - entrer dans sa verticalité - avant d'investir en silence et ensemble l'espace vierge d'une grande feuille blanche. La consigne est de laisser une trace sur la feuille sous forme de trait, forme et couleur, en contact avec soi et avec les autres. Progressivement, l'oeuvre collective se tisse, la surface initialement blanche, révèle des zones vivantes, des polarités de formes et de couleurs---L'expérience nous met en contact avec la vie de l'oeuvre en émergence. C'est un processus vivant, avec sa pulsation propre et sa texture. Les participants ont ensemble ressenti la fin dans le dessin qui rayonnait alors par sa cohérence et son harmonie. Vous avez peut-être déjà vécu ce paradoxe d'être soi et de ne plus être soi. Le passage du soi individuel et personnel au soi collectif et impersonnel est une autre formulation possible. L'on pourrait dire aussi le"soi partagˇ".
Côtoyer plus souvent cette qualité de présence du "construire ensemble" pourrait améliorer nos relations de travail quotidiennes avec les collègues, mais aussi nos relations familiales et sociales. Telle est notre contribution à travers l'atelier.


Tendance actualisante - tendance formative

"Ce qui est le plus personnel est aussi le plus universel".

Par ces mots, Carl Rogers avait touché le paradoxe et l'avait formalisé, plus précisément, à travers les concepts de la tendance actualisante et de la tendance formative :

Il est passé de la reconnaissance de la "tendance actualisante" : "Tendance puissante et constructive du processus de vie dans chaque être --- tentative parfois désespérée de la vie qui cherche à devenir elle-même --- source centrale d'énergie dans l'organisme humain" (A way of being : Caractérisques de l'ACP), à la reconnaissance de la "tendance formative", qui se manifeste par exemple, dans la formation des cristaux, d'un flocon de neige, d'une cellule vivante : chaque forme que nous rencontrons provient d'une forme plus simple, moins complexe.
La tendance formative est donc une tendance qui porte l'évolution vers plus de complexité, plus de rassemblement, vers des formes de plus en plus "plurielles". L'univers est toujours en train de construire et de se créer.

Dans ce processus chaque élément est au service de l'ensemble.

Pouvons-nous entrer dans ce processus ? A l'écoute du processus du groupe, nous cherchons à construire ensemble pour découvrir la forme commune. Dans ce climat, chacun a l'occasion d'expérimenter en lui la force de la tendance actualisante, mais aussi d'effleurer, de sentir ou percevoir cette mystérieuse qualité de Présence qui nous ouvre au transcendant. Ensemble, dans la construction commune, nous touchons et symbolisons le processus créactif de la tendance formative.

Nous sommes maintenant à la fin 2012. Durant ces dix années de pratique, l'atelier a progressé. Nous avons structuré la pratique, donné plus d'ampleur à l'exérience et approfondi la compréhension du processus d'Ecoute Consciente. Nous observons cependant dans ce premier essai maladroit de formalisation les germes des futurs développements et les bases fondamentales de la construction : l'être humain entre ciel et terre, la symbolique qui nous habite (verticalité et horizontalité), la construction commune qui deviendra "l'oeuvre commune".

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Mise à jour : Jeudi 01 Janvier 1970
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