Le processus d'intégration dans l'Approche Centrée sur la Personne

Cet article n'est pas inspiré par la théorie. Il s'est d'abord présenté comme une synthèse d'un processus de groupe qui s'est déroulé sur six jours dans le climat de sécurité et de liberté si caractéristique de l'Approche Centrée sur la Personne (ACP). Au fur et à mesure que passaient les heures de travail, je voyais se construire devant moi, un processus individuel et de groupe d'intégration de la personnalité. Et, en tant que facilitatrice, je faisais partie de ce processus. Les éclairages de la théorie venaient d'eux-mêmes éclairer les différentes étapes et m'aidaient à donner un sens profond et précis à l'expérience. Carl Rogers, il est vrai, a formulé sa théorie à partir d'une immersion vivante dans l'expérience. J'ai également fait le lien avec quelques données de la science moderne.
Dans cette réflexion, l'ACP est supposée connue. Pour une présentation de l'ACP : L'Approche Centrée sur la personne


I La rupture

La plus grande solitude qui puisse exister est la perte de contact avec soi-même. Et celle-ci se produit très tôt, lorsque l'enfant fait le choix d'être apprécié par ses parents plutôt que d'être compris tel qu'il est vraiment. Cette douloureuse expérience se reproduit à l'âge adulte, la plupart du temps inconsciemment, tellement ce mécanisme est entré dans la personnalité. Un exemple marquant est l'arrivée d'un bébé dans la famille : l'enfant éprouve alors spontanément et naturellement, des sentiments ambivalents, certains "positifs" et d'autres "négatifs". Il est totalement authentique dans l'un et l'autre cas, mais il se rend vite compte que certains de ses sentiments sont approuvés par ses parents et d'autres non. La reconnaissance (ou amour) de ses parents étant vitale pour lui, il apprend à ne plus montrer le côté considéré comme négatif, et ce qui est plus dramatique pour la cohérence de la personnalité qui se perd, il en vient à le considérer comme mauvais et à le nier. Il fait comme s'il ne l'éprouvait pas et se coupe ainsi d'une partie de lui-même. Avec la répétition de ce type d'expérience, l'évaluation de la vie se structure à partir du regard des autres et non plus à partir du centre d'évaluation interne qui "sait" ce qui est vrai et juste pour soi, dans la fluidité du contact avec l'expérience intérieure.
Combien d'entre nous, adultes, préfèrent, parfois...souvent..., ne pas se faire comprendre plutôt que de prendre le risque, souvent imaginaire mais parfois bien réel, d'être rejetés en se montrant tels qu'ils sont. C'est pourquoi l'attitude de non-jugement - accueil positif inconditionnel ou reconnaissance sans conditions - est si importante en psychothérapie. C'est le fondement essentiel qui permet de retrouver peu à peu l'unité de sa véritable identité et le lien avec la communauté humaine. Car en se coupant se soi, on se coupe aussi des autres !


II Une "parcelle de vérité"

La rencontre en soi d'une "parcelle de vérité" (l'expression est de Carl Rogers) entame le processus de retour vers soi-même. Ce contact nouveau avec soi-même peut être tout petit, porter sur ce qui pourrait paraître un détail, mais il doit être entièrement vrai pour la personne, sans aucun compromis. Il doit être suffisamment profond et précis pour constituer, réellement, une partie de l'expérience subjective intérieure qui avait jusque là été oubliée ou niée. Par exemple :

"J'ai enfin compris pourquoi j'ai commencé à boire. Je n'avais rien...que la peur...L'alcool m'a aidé à surmonter la peur...non, plutôt à la rendre supportable."
"J'aime mes parents, ou peut-être je me dis que je devrais les aimer, et pourtant je leur en veux et je les hais pour ce qu'ils ne m'ont pas donné"
"J'aime mes enfants, ils sont ma priorité dans la vie. Mais parfois, ils m'exaspèrent tellement que je ressens un violent sentiment de rejet."
etc...


Carl Rogers nomme "moments de mouvement" ces moments intenses, profonds et vrais où la personne prend conscience de sa vérité. De moments de mouvement en moments de mouvement, de vérité en vérité, le processus d'unification se poursuit jusqu'à ce qu'émerge une personne globale, holistique et unifiée. .

III Le rôle de l'émotion

L'émotion joue un grand rôle dans cette longue recherche de soi-même. La plupart du temps, c'est par l'émotion que s'ouvre l'espace intérieur. En décrivant les "moments de mouvement", Carl Rogers parle d'instants d'intense émotion où le corps est impliqué (larmes, tremblements, sensations de froid ou de chaleur, sensations d'étranglement ou d'étouffement par l'angoisse, etc...) C'est comme si la personne retrouvait toute l'émotion de l'évènement ou du sentiment oublié, comme si le corps exprimait à nouveau la mémoire enfouie.
L'émotion s'exprime souvent par les larmes. De façon analogique et symbolique, l'émotion est du côté de l'élément "eau". On parle aujourd'hui de "mémoires du corps" (Myriam Brousse). Le corps garde en mémoire par l'émotion, par les sensations et cristallisations physiques (ou problèmes physiques). L'eau garde en mémoire. C'est ainsi que fonctionne l'homéopathie, c'est du moins une hypothèse qui me séduit bien : la substance diluée dans l'eau, transmet l'information à l'eau, et cette information entre en résonnance avec l'eau de notre corps qui peut ainsi l'utiliser.
La comparaison est peut-être osée, mais je fais cependant l'hypothèse que les moments de mouvement fonctionnent ainsi : une information juste est transmise à l'organisme qui peut alors l'utiliser pour avancer sur son chemin de croissance. "L'organisme humain est digne de confiance". Il a seulement besoin de l'information juste pour développer toutes ses potentialités. C'est pourquoi la croissance est un travail de conscience.


IV Intégration

Dans ce groupe, les participants parcourent ce chemin d'intégration. Ils s'approchent d'eux-mêmes de plus en plus, de mieux en mieux, et pour décrire cette expérience invisible et indescriptible, ils emploient des mots symboliques, qui tous, tournent autour de la même réalité :

"Essentiel...centre...coeur...âme...joyau dans le lotus...lumière..."

Nous allons vers la lumière et nous empruntons un chemin de lumière...

En les écoutant, en accompagnant chaque aventure vers le centre de soi, en accompagnant le groupe vers le centre de la consistance humaine, un peu comme Jules Verne avait imaginé "le Voyage au Centre de la Terre", je pense à la lumière qui est en nous, très concrètement, très physiquement : la molécule d'ADN émet des photons de lumière et il existe ainsi de la lumière au coeur de nos cellules :

Lumière organique et lumière symbolique...

J'aime penser à ce chemin de lumière, de la cellule aux étoiles : nos corps physiques ne sont-ils pas constitués des éléments qui viennent des étoiles ? (carbone, hydrogène, oxygène...).

Peut-être pourrait-on dire, concrètement et symboliquement :


"L'eau est ce qui nous permet de changer...

La lumière est ce vers quoi nous allons..."



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Mise à jour : Mardi 21 Février 2012
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