Au travers de la vie et de l'oeuvre de Carl Rogers, nous tentons ici de déceler les réponses qui sont offertes à l'humanité d'aujourd'hui. L'ouverture que Carl Rogers, fondateur de l'Approche Centrée sur la Personne, a introduite dans l'histoire de la psychologie et des relations humaines est abordée en tant que prémisses de la prise de conscience d'une dimension universelle ou spirituelle. Un lien est effectué avec les concepts "d'humanité une" et de "justes relations humaines", qui sont présents dans les écrits d'Alice Bailey. La Sagesse sans âge
Issu d'une famille protestante, Carl Rogers a reçu une éducation assez
stricte et a gardé de ses origines un refus du religieux et de l'obscurantisme.
Les loisirs passés à l'entretien de la ferme familiale, et les études
d'agronomie ont forgé son goût pour les choses concrètes de la terre, son
côté pragmatique et le désir de démontrer ses découvertes et affirmations :
ne rien affirmer qui n'ait été démontré, ne rien croire qui n'ait été
expérimenté en soi-même.
Ce trait de caractère influencera sa conception
de l'apprentissage des connaissances : ce qui s'apprend le mieux est ce qui
a une signification dans l'expérience de la personne ; ce qui s'apprend le
mieux est ce qui a été éprouvé, et qui, d'une manière ou d'une autre, correspond
à une expérience authentique.
Le contact avec la nature et le soin aux plantes lui apportent l'expérience de la force
naturelle de croissance, l'habitude de contempler cette force et de l'accompagner.
Il appliquera ensuite le concept aux êtres humains sous le terme de tendance
actualisante.
Un voyage en Chine, en tant qu'étudiant, pendant ses études de théologie l'a
fortement influencé et a provoqué, dans sa vie, un changement d'orientation. Il
s'oriente alors vers l'histoire et la psychologie et prend des distances vis-à-vis
de sa famille. Ce voyage a certainement laissé des traces dans sa personnalité, mais
il est difficile de les identifier dans son oeuvre sous une forme précise.
Peut-être ces traces sont-elles cachées et peuvent-elles se laisser deviner
dans sa conception de l'être humain qui est globale, synthétique et universelle et dans
sa confiance indestructible dans la direction positive du développement humain.
Dans son travail de jeune psychologue auprès d'adolescents en difficulté et
de leurs parents, il découvre la force "guérissante" de l'écoute :
"comme je
ne savais pas quoi dire, je me contentais d'écouter et ce fut le point de départ
de la première psychothérapie centrée sur la personne".
Il occupe ensuite un poste d'enseignant dans différentes universités américaines,
ce qui lui donne l'occasion de créer un centre de consultation où la nouvelle
méthode d'accompagnement thérapeutique est expérimentée. De nombreuses heures
d'entretien sont enregistrées et analysées par les étudiants. Des articles
sont écrits, et la première grande formulation théorique et pratique de ce qui
apparaît alors clairement comme une nouvelle méthode de psychothérapie, est publiée
en 1940 sous le titre : "Relation d'aide et psychothérapie".
Au fur et à mesure que les recherches se développent, la théorie de la
personnalité se précise et la pratique s'étend à d'autres champs d'application.
Rogers ne peut limiter son travail à la seule relation inter-individuelle et au
seul champ de la psychothérapie tant est grande sa soif d'influencer positivement
le développement de l'humanité. Des horizons de plus en plus vastes s'ouvrent
à la pratique et à la formulation théorique. D'autres domaines de l'expérience
humaine sont investis, comme le social, l'éducation, l'entreprise etc. D'autres
situations sont explorées, comme les petits groupes, les grands groupes inter -
culturels :
"si ces découvertes sont valables dans une relation inter-individuelle
entre un psychothérapeute et son client, elles le sont aussi dans toutes les
situations où un être humain est en relation avec un autre dans une intention
de l'aider".
Aider est employé ici au sens anglais de "counsel" : délibérer
avec, accompagner et non faire à sa place.
A la fin de sa vie, à l'occasion de son engagement dans la communauté d'Essallen,
il rencontre d'autres pionniers comme Abraham Maslow, David Boehm ... et laisse
pénétrer leur influence dans sa vie et dans son oeuvre.
Il accepte la possibilité de réalités spirituelles et intègre sa conception
holistique de l'individu humain dans un ensemble plus vaste :
"Nous faisons
partie d'un monde bien plus vaste que nous-mêmes".
Il complète sa notion de
tendance actualisante, force vitale au coeur du développement de l'individu,
par la notion de tendance formative, qui est son équivalent au niveau de l'univers.
L'univers est ainsi considéré comme un ensemble vivant, animé d'une force qui
lui imprime une direction positive et cohérente.
Il se consacre de plus en plus à la lutte pour la paix, en travaillant avec de
très grands groupes, de plusieurs centaines de personnes parfois, à travers le
monde, partout où des hommes et des femmes de bonne volonté, appartenant à des
groupes religieux, ethniques, politiques opposés, veulent bien tenter de se
rencontrerà un niveau de profondeur humaine qui permet de se comprendre. Son
nom avait été cité pour le prix Nobel de la Paix juste avant sa mort, qui a
empêché que le prix lui soit réellement attribué. Seule la mort a arrêté son
travail : son dernier livre "A way of being" a été écrit aux alentours de 80
ans, et lorsqu'il est mort,à l'âge de 85 ans, des projets étaient encore en
route : ce sont ces étudiants et collaborateurs qui les ont repris et continués.
La contribution au développement de l'humanié et à l'émergence d'une nouvelle conscience peut se découvrir à différents niveaux de son travail.
Son anthropologie reconnaît en profondeur la valeur de la personne humaine :
"L'organisme humain est digne de confiance".
Le mot "personne" est employé avec
beaucoup de respect, presque avec un sens sacré, et ne recouvre pas la seule
personnalité.
Dans la notion de tendance actualisante (la capacité de l'être humain
à s'auto-diriger, dans la direction qui est la sienne, vers toujours davantage
de complexité et de développement, et de changer son comportement si celui-ci
n'est plus adapté à la direction positive dont la conscience est profondément
inscrite dans l'organisme), nous pouvons voir des jalons vers la conscience de la
vie qui dirige et anime le coeur de chaque être.
Dans la notion de congruence (cohérence intérieure ou correspondance
entre l'expérience, la conscience et la communication), nous pourrions voir une
préparation à l'alignement des différents niveaux de la personnalité : physique,
émotionnel, mental, avec la conscience de la dimension spirituelle de l'être
humain : le souffle qui l'anime âme.
Dans la notion de personne fonctionnant pleinement (la personne telle
qu'elle est devenue au terme du processus de développement d'une psychothérapie
réussie), nous pouvons reconnaître la vie d'une personnalité intégrée, libérée des
préjugés et conditionnements, capable de se découvrir à chaque instant dans
l'expérience, plutôt que de déformer l'expérience afin que celle-ci corresponde au
concept préalable du moi. La personnalité est alors prête à fonctionner pleinement
comme instrument de l'âme. En ce sens, la théorie de la personnalité formulée
par Carl Rogers sur un plan psychologique, prépare à une conception de l'être
humain s'ouvrant à sa dimension spirituelle.
La méthode d'accompagnement dans une relation d'aide, au cours d'une
psychothérapie ou dans d'autres situations, est en conformité avec
l'anthropologie rappelée ci-dessus et donne les moyens concrets de faire ce qui est dit : la non
directivité essentielle respecte entièrement la liberté de l'individu ; elle
se fonde sur la positivité de la nature humaine et sur la confiance en la
sagesse intérieure de chacun. Il n'y a pas d'autre outil. Le climat relationnel
créé entre l'aidant et l'aidé est un outil nécessaire et suffisant. Il suffit
de fournir les ingrédients : le terreau, eau et soleil pour la plante, sécurité
et liberté relationnelle pour un être humain, pour que la vie émerge, se
développe et s'épanouisse pour aboutir à la personne fonctionnant pleinement.
Carl Rogers est toujours resté au niveau du travail psychologique, avec comme
support la parole, comme outil le climat relationnel, mais a jeté les jalons
pour l'humanité future, sur le plan du développement personnel. Il parlait de
la personne, avec un tel souci de globalité et avec un tel respect que cela ne
pouvait pas se limiter à la"petite personnalité" :" c'est à partir des premières
expériences de développement et d'ouverture dans ce climat que j'ai retrouvé
en moi l'intuition du monde spirituel :
Au cours de sa vie, dans son développement biographique, et dans son oeuvre
professionnelle et théorique s'est produit un élargissement aux groupes de
plus en plus nombreux avec la même confiance : "le groupe réagit comme un
organisme vivant". Il avait confiance en la sagesse du groupe, comme il avait
d'abord eu confiance en la sagesse de l'organisme individuel.
L'expérience du groupe de rencontre est un apprentissage de la compréhension
de l'autre dans un climat d'authenticité et de respect. Si cette expérience
pouvait être pratiquée plus souvent, dans toutes sortes de groupes, petits et
grands, privés, professionnels et publics, nous avancerions plus vite vers
de justes relations humaines.
La notion de consensus pratiquée dans les groupes est la recherche d'une
réalisation ou d'une décision qui puisse convenir à tous les membres du groupe.
Ce n'est pas forcément le choix idéal pour chaque participant, mais le choix
acceptable pour tout le monde et le meilleur possible pour l'ensemble du groupe.
Cette pratique permet d'apprendre à vivre et construire ensemble : "vers une
oeuvre commune".
Ainsi, l'intuition que Rogers a transmise pour l'épanouissement de l'être, s'est
approfondie en intuition pour l'avenir de l'humanité. Dans son livre : "On
personnel power" (fort mal traduit en français comme le "manifeste personnalite"),
il aborde le développement du pouvoir individuel qui n'est pas pouvoir sur
l'autre, mais qui est émergence de la puissance de vie et d'action, de la
puissance créatrice de l'humain qui pourra s'offrir au travail du groupe. C'est
une "révolution tranquille" qui s'amorce avec la création de l'Approche Centrée
sur la Personne, mais aussi avec tous les hommes et toutes les femmes de bonne
volonté qui travaillent dans ce sens.
"C'est dans ces expériences de groupe que
j'ai puisé l'inspiration et la compétence pour entrer dans un processus de
construction commune fondé sur le plein développement et la pleine liberté des
individualités qui se donnent librement pour la réussite du travail commun.
J'ai souvent pu mettre l'oeuvre de Carl Rogers en parallèle avec celle d'Alice Bailey qui transmet l'enseignement spirituel de la Sagesse Antique. Bien sûr, il faut demeurer conscient de la différence de domaine entre ces deux oeuvres, mais j'ai souvent pu vérifier dans mon expérience, que le travail psychologique proposé par Carl Rogers prépare à l'enseignement spirituel. En voici quelques exemples :
En conclusion, Carl Rogers nous aide à découvrir l'universel dans l'individuel.
Il semble que son oeuvre comporte les ingrédients nécessaires pour résoudre
quelques unes des difficiles questions du monde actuel, et nous pouvons trouver,
dans sa manière d'aborder les relations humaines et les groupes, des moyens
concrets pour traverser la crise et avancer vers une humanité nouvelle.
Mise à jour : Mardi 21 Février 2012 |
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